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Photo du rédacteurSylsie ALBERTELLI

La justice participative : une approche concrète préconisée par les ambassadeurs de l'amiable

Une Nouvelle Approche Hybride de la régulation des conflits

La justice participative, un concept de plus en plus reconnu dans le paysage juridique français, marque une rupture avec les méthodes traditionnelles de règlement des conflits., concept que vient de formaliser avec plus d'accuité nos ambassadeurs de l'amiable avec la mise en état conventionnelle.


La justice participative vise à intégrer davantage les parties prenantes dans la résolution des litiges, prônant une approche hybride qui combine médiation, conciliation et autres modes amiables de règlement des différends. Cette nouvelle philosophie trouve un écho particulier dans les travaux de Gabrielle Halpern, autrice de "Tous Centaures", qui parle de l'hybridation des métiers et des lieux et du rapport des amabssadeurs de l'amiable remis au miistre de la justice ea 25 juin 2024.


L'Hybridation des Systèmes : Une Nouvelle Philosophie


Gabrielle Halpern soutient que l'hybridation est la clé de l'innovation et de la résilience dans nos sociétés contemporaines. Son concept de "centaure" symbolise l'union de deux éléments a priori distincts pour créer une nouvelle entité plus forte et plus adaptée. Appliquée au système judiciaire, cette philosophie prône une hybridation des méthodes traditionnelles avec les pratiques participatives et collaboratives.


Dans ce contexte, la justice participative n'est plus seulement une alternative aux procédures classiques, mais une intégration nécessaire pour répondre aux défis contemporains des systèmes judiciaires. Halpern explique que cette hybridation permet de tirer parti des forces de chaque approche pour créer un système plus flexible, humain et efficace.


La Mise en État Conventionnelle : Un Nouveau Principe Directeur


Au cours des différents déplacements des ambassadeurs de l'amiable, il a été finalement assez peu question de la procédure participative. Si le sujet ne pouvait naturellement être au cœur des échanges avec les conciliateurs et les médiateurs, constituant une partie importante du public rencontré, il aurait pu l’être davantage avec les avocats dont la présence témoignait à tout le moins d’une sensibilité aux modes amiables de règlement des différends (MARD). Ceci traduit sans doute le peu d’engouement pour cette procédure, bien que la profession en ait le monopole.


Définie dès l’origine par la loi du 22 décembre 2010 et son décret d’application du 20 janvier 2012 comme un contrat par lequel les parties se donnent un délai protégé des effets de la prescription pour œuvrer, conjointement et de bonne foi, au règlement amiable de leur litige en dehors ou avant toute saisine du juge, il est peu dire qu’elle n’a pas rencontré au cours de ses premières années d’existence un franc succès. Trois raisons pouvaient alors l’expliquer :

  1. Sa méconnaissance par les professionnels ;

  2. La saisine souvent trop précoce du juge, la rendant sans objet ;

  3. L’absence d’un outil et d’un mode opératoire propres favorisant la conclusion d’accords sous son égide.


Pour remédier à ces obstacles, la loi du 18 novembre 2016 dite loi J21 lui a ouvert un espace après saisine du juge, la transposant en tant que mise en état contractuelle des affaires et lui donnant un véritable contenu par la création de l’acte de procédure contresigné par avocats, lequel n’a finalement reçu sa pleine potentialité que du décret du 11 décembre 2019. Pour autant, la profession ne s’en est toujours pas emparé.


Bien entendu, pour les avocats, mettre en œuvre la procédure participative suppose une véritable transmutation de paradigme dans leur exercice professionnel. Comme tout changement, il se heurte à une réticence. Mais au-delà de cette explication qui, certes, ne doit pas être sous-estimée, les ambassadeurs de l’amiable se sont interrogés dans le cadre du présent rapport sur les causes de ce désintérêt persistant pour la procédure participative et esquissent quelques recommandations pour lui donner un véritable avenir.


L’absence d’appropriation de la procédure participative est liée à un défaut de connaissance de son existence ou de son potentiel. En dehors de quelques avocats rencontrés, initiés, séduits et qui la mettent en pratique pour peu qu’ils trouvent un confrère ou une consœur s’y étant formé, la procédure participative, plusieurs fois amendée, demeure très largement méconnue des praticiens. Lorsqu’ils en ont quelques notions, peu savent que depuis la loi J21, il existe deux procédures participatives, l’une en amont de la saisine du juge, relevant à proprement parler des modes amiables, ce qui justifie sa présentation depuis l’origine dans le livre V du CPC, l’autre en aval de cette saisine, relevant davantage d’une mise en état de nature contractuelle que d’un mode amiable. De même, les finalités respectives de ces procédures (plutôt accord sur le fond dans la procédure participative mode amiable, plutôt accord sur le désaccord dans la mise en état participative), même si elles ne s’excluent pas l’une l’autre, ne sont pas vraiment comprises.


D’ailleurs, la différence entre les deux n’étant pas discernée, ces deux procédures encourent indistinctement les critiques classiques, voire les réticences qu’inspirent les modes amiables à nombre de praticiens. Il est notamment reproché à la procédure participative initiale de faire perdre du temps, les passerelles existantes entre la phase amiable et la procédure judiciaire étant ignorées, tout comme le bénéfice de la fixation de l’affaire à bref délai aux fins de donner force exécutoire à l’accord, voire de statuer, si ce dernier n’est que partiel, sur le litige résiduel. Elle est vue comme une règlementation complexe, une « usine à gaz » peu opérationnelle, voire excessivement contraignante.


Ces griefs, souvent témoignages de sa méconnaissance, vont jusqu’à faire dire à certains que les magistrats se débarrassent de leurs attributions sur les avocats, trahissant une vision de la procédure civile selon laquelle le contradictoire doit être totalement et exclusivement orchestré par le juge et la preuve nécessairement administrée par ce dernier. Cette conception du procès civil, favorisée par une pratique s’accommodant pleinement de l’autorité rassurante du juge jusque dans les plus petits détails de la procédure au risque d’en encourir les sanctions, est bien éloignée du « principe dispositif » qui en est pourtant l’essence, ainsi que cela a été enseigné à des générations de juristes.


Pour les plus avertis, la crainte demeure de devoir renoncer aux exceptions de procédure, malgré la réforme d’octobre 2021 ayant réglé cette question en érigeant la purge de celles-ci en simple option.


Les avantages quant à eux, en sont le plus souvent pleinement ignorés. Il n’est pas perçu que cette procédure se traduit par une accélération du temps judiciaire dans lequel l’acte de procédure contresigné par avocats peut être pleinement mis en œuvre, tout particulièrement dans son objet d’administration amiable de la preuve et que cet acte, pour les avocats, relève lui aussi, pour l’heure tout du moins, d’un monopole.

De même est-il omis que la rigueur des délais régissant la procédure d’appel, dit « délais Magendie », source de tant d’inquiétude pour les avocats, peut être contournée par la conclusion d’un contrat de mise en état participative, neutralisant les lourdes et irrémédiables sanctions procédurales génératrices de tant de mises en cause de la responsabilité professionnelle.


La conclusion s’impose : peu de professionnels se sont véritablement formés à la procédure participative et singulièrement, à la mise en état participative, malgré les efforts du Conseil national des barreaux (CNB) pour en favoriser la diffusion en mettant notamment à disposition de véritables kits. Les outils sont là, notamment les modèles d’actes de procédure contresignés par avocats, cœur battant de la procédure participative.


Cette méconnaissance est une véritable perte de chance pour les justiciables d’abord, engagés à leur corps défendant dans des procédures coûteuses et interminables, pour les avocats ensuite qui ne se saisissent pas des bénéfices potentiels d’un renouveau de leur exercice professionnel et de son « business model », et pour la justice civile dans son ensemble enfin, privée d’une approche qualitative sur laquelle elle pourrait bâtir son avenir.


Le rapport des ambassadeurs de l'amiable de 2024 met en avant l'importance de la mise en état conventionnelle dans les procédures judiciaires en préconisant

  • de distinguer dans le code de procédure civile les dispositions relatives à la mise en état participative

  • en érigeant la mise en état conventionnelle en principe, la mise en état administrée en exception.

  • en créant expressément dans le code de procédure civile un office du juge dénommé « office d’appui au règlement amiable des litiges et à la mise en état conventionnelle »

  • en introduisant dans le code de procédure civile, dans le cadre de la procédure de mise en état contractuelle, la notion de rendez-vous judiciaire, distincte de celle de l’incident de mise en état.


La conclusion d'une convention de procédure participative de mise en état n'interroperait plus l'instance comme c'est le cas aujourd'hui, seul serait conservé son effet interruptif du délai de péremption (art 392 CPC)


Par ces recommandations, les ambassadeurs encouragent les parties à préparer conjointement leur dossier avant l'audience, en collaboration avec leurs avocats et éventuellement un médiateur. Cela permet de clarifier les enjeux, de réduire les points de conflit et de faciliter une résolution amiable.

Les juges auront un role plus étoffer, un juge d'appui de "l'amiable" avec mise en place de rendez-vous judicaire peut-être à l'image des conférence de gestion présente au sein du code de procédure civile du QUEBEC.


Cette approche est un exemple parfait de l'hybridation prônée par Halpern : elle combine la rigueur de la préparation judiciaire avec la flexibilité et la collaboration des modes amiables. En intégrant cette phase préparatoire, la justice participative favorise une meilleure compréhension mutuelle et une résolution plus rapide et satisfaisante des litiges.


Les Avantages de l'Hybridation dans la Justice Participative


L'hybridation des systèmes judiciaires présente plusieurs avantages :

  1. Efficacité : En combinant les forces de la médiation et de la procédure judiciaire, on réduit le temps et les coûts associés aux litiges.

  2. Humanisation : La participation active des parties permet de mieux comprendre les enjeux humains des conflits et de trouver des solutions plus adaptées.

  3. Innovation : En adoptant des pratiques hybrides, le système judiciaire peut s'adapter plus rapidement aux évolutions sociétales et aux nouveaux types de conflits.


Une Nouvelle Vision de la Justice


La justice participative, enrichie par la philosophie de Gabrielle Halpern, propose une vision renouvelée de la justice. Elle n'est plus seulement un moyen de trancher les conflits, mais un processus collaboratif et évolutif qui intègre les parties prenantes à chaque étape.


Cette approche hybride transforme la relation entre les citoyens et la justice, en offrant des solutions plus justes, plus rapides et plus humaines. En combinant les forces des différents modes de résolution des conflits, la justice participative ouvre la voie à un système judiciaire plus inclusif et résilient.


Conclusion


En conclusion, l'intégration des principes de Gabrielle Halpern et des recommandations du rapport des ambassadeurs de l'amiable dans la justice participative offre une nouvelle perspective prometteuse pour le règlement des conflits. Cette hybridation des méthodes et des pratiques judiciaires répond aux besoins contemporains de flexibilité et d'humanité, tout en renforçant l'efficacité et l'innovation du système judiciaire français.


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